« On a tendance, de nos jours, à oublier que l’équitation est un art. Or, l’art n’existe pas sans amour. Mais celui qui n’a pas la discipline nécessaire et qui ne possède pas la technique ne peut prétendre à l’art. L’art, c’est la sublimation de la technique par l’amour. L’amour, afin qu’après la mort du cheval, vous ayez gardé en votre cœur le souvenir de cette entente, de ces sensations qui ont quand même élevé votre esprit au-dessus des misères d’une vie humaine. » – Nuno Oliviera
Les chevaux ont toujours attiré mon attention. Dès que j’en voyais un, je priais mes parents de nous arrêter pour que je puisse m’en approcher. Nous étions séparés par une barrière électrifiée mais je pouvais passer ma main sur son long front, et glisser mes doigts dans sa crinière. Je lui tapotais aussi l’encolure comme pour le féliciter de sa gentillesse. Et un jour, mes parents ont accepté ma demande, une demande pour débuter des cours équestres. Je voulais me rapprocher de ces chevaux majestueux dont de leur force et de leur vivacité me laissait en admiration. Ces animaux sauvages, au départ, ont été apprivoisés pour aider les hommes dans les travaux de construction, de déplacement et de culture. Bien dressés, il y avait donc moins de risques qu’ils deviennent dangereux. Leur instinct naturel s’est perpétué, regardez les galoper dans les prairies, se battre pour un territoire ou de la nourriture pour comprendre que les lois de la nature agissent toujours sur eux. J’ai commencé l’équitation un an après mon arrivée en Normandie, l’année du mariage de mes parents en 2004. Je voulais faire d’un cheval un compagnon qui m’emmènerait partout où j’irais, par n’importe quel temps. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, ou bien qu’il y ait un grand soleil, je passerais mon temps sur son dos. L’équitation se pratique à deux. Pourtant, nous disons tous que c’est un sport individuel, peut-être parce que le cavalier et le cheval ne font plus qu’un. Lui et moi, nous nous regardions mutuellement et aucun des deux ne détournaient le regard, cela pouvait durer des heures. Et jamais, nous nous ennuyons. C’est un animal puissant et intelligent qui accepte sur son dos, des êtres plus faibles que lui, qu’il peut écraser par ses sabots, les blesser gravement ou même les tuer en quelques minutes. Si tu donnes les bons ordres à ton cheval, il les accomplira. Si au contraire, tu es distrait et maladroit, il y a de fortes chances qu’il ne t’obéisse pas. La faute est généralement celle du cavalier, nous l’apprenons dès les premiers cours d’équitation. Je faisais alors de mon mieux pour écouter ma monture, et essayer de lui donner les bonnes instructions. Ce qu’il faut trouver c’est de trouver le juste milieu, la parfaite osmose. Cela prend du temps, c’est un long apprentissage. Après, les cours équestres, je lui chuchotais quelques mots à l’oreille, et lui offrais des friandises. J’essayais de créer un lien pour qu’il m’accepte et m’adopte. Car ce n’est pas le cavalier qui choisit son cheval, c’est le cheval qui choisit le cavalier. Il suffit que l’animal te regarde, s’approche vers toi quand tu l’appelles pour que tu comprennes qu’il y a enfin quelque chose entre lui et toi. Je lui racontais ma journée, je lui parlais de tout et de rien. Je voulais qu’il connaisse et reconnaisse le son de ma voix. Il était l’allié de mes combats et les soigneurs de mes blessures. Pendant cinq ans d’équitation, les différents chevaux que j’ai montés m’ont appris beaucoup sur ma façon d’être et sur ma personnalité. Je ne m’entendais pas avec tous, certains trop vifs, certains trop lents. Mais après chaque séance, ils avaient besoin aussi de se reposer. Lorsque que je posais enfin les pieds au sol, je sentais leur soulagement dans leurs grandes respirations. Aucun cheval que je n’ai monté ne m’appartenait, et même si j’en avais eu un rien que pour moi, l’idée de possession n’était pas valable. On s’occupe d’un cheval, on prend soin de lui, mais il ne nous appartient pas. Tout être sur cette Terre, animaux comme Hommes a besoin de sa part de liberté.
©Elly Clark