« Qu’est ce que dessiner ? Comment y arrive-t-on ? C’est l’action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible, qui semble se trouver entre ce que l’on sent et ce que l’on peut. Comment doit-on traverser ce mur, car il ne sert a rien d’y frapper fort, on doit miner ce mur et le traverser à la lime, lentement et avec patience à mon sens. » – Van Gogh
Une douce musique berçait chacun de mes soupirs. Mes yeux étaient remplis de larmes. Je savais qu’il fallait que je trouve une méthode pour extraire la souffrance de mon corps. Mes pleurs ne suffisaient pas. Mes mains s’énervaient sur le papier. Je faisais des formes, plus ou moins cohérentes avec l’idée que je voulais exprimer. Dans le fond de la pièce, de l’encens brulait paisiblement, laissant échapper une odeur et une fumée presque magiques. L’ambiance relaxante de la salle me permettait de calmer mon souffle et de me concentrer. J’en suis venue à faire une ébauche d’un ange en pleurs dans une maison, un bel ange noir et des larmes de l’éclat du ciel, un bleu azur. Le mélange de ces deux teintes renvoyait à l’image de mon âme se débattant entre l’envie de vivre, et l’apitoiement dû aux épreuves que la vie commençait tout juste à me lancer en pleine figure. A partir de ce moment, le noir a toujours été présent dans tous mes essais, que ce soit pour les contours, comme pour le remplissage des formes. A travers le dessin, j’essayais de communiquer avec mon entourage. Je concrétisais sur papier la moindre de mes pensées. Je voulais leur montrer que dans mes moments heureux, il existait un côté sombre; quelque chose qui me suivait où que j’aille. Cette chose prenait n’importe quelle forme. Tant qu’il y avait ce noir, c’est qu’elle était présente. Je sentais l’inquiétude de mes parents lorsqu’ils regardaient mes dessins, essayant de se rassurer comme ils le pouvaient: « Oh ! C’est comme tous les enfants, cela va bien finir par passer. » Si seulement ils avaient eu raison. Ils ne se rendaient pas compte. J’étais si jeune. Il est difficile d’accepter et de réaliser que son enfant puisse avoir des problèmes d’ordre psychologique. Normalement constituée et ne manquant de rien, ma douleur intérieure n’avait pas raison d’être. J’ai continué à dessiner, même s’il m’arrivait de ne pas le faire pendant des mois. Cela me permettait d’exposer tout ce qu’il y avait en moi et de construire quelque chose de mes mains. Il y a la fierté d’avoir réussi à concevoir un projet et de l’avoir finalisé. On peut se dire que nous sommes parvenus à créer ou à représenter quelque chose grâce à la fière qui nous envahie.
©Elly Clark