« L’homme est une marionnette consciente qui a l’illusion de la liberté. »
– Félix Le Dantec
J’étais timide et réservée, ce qui m’empêchait d’aller vers les autres et de créer des liens. Je n’avais toujours pas résolu ma peur du monde extérieur. Et j’essayais de m’en protéger comme je le pouvais. Je m’enfermais dans une bulle invisible et hermétique où toute personne étrangère à moi-même était rejetée. Aucun individu n’avait le droit d’y pénétrer, même pas mes parents. J’avais créé un monde imaginaire où rien ne pouvait m’atteindre, un espace où je me sentais protégée de toutes les agressions extérieures. Mais en fin de compte, je n’avais personne sur qui compter, et auprès de qui je pouvais me confier. J’étais livrée à une solitude étouffante. Cette grande introversion marquait une faible estime de moi-même. Je n’avais confiance en personne et surtout pas en moi. Chaque mot prononcé me semblait être des mensonges. Je ne pouvais pas croire ce que l’on me disait. Malgré cela, j’aurais aimé me dépenser, m’amuser avec les autres enfants, intégrer un groupe, mais j’étais assaillie de doutes. J’avais peur de ne pas être à la hauteur des attentes des autres, de ne pas avoir la personnalité géniale qui fait qu’on est tout de suite accepté. Finalement, je préférais être seule, enfin c’est ce que je me forçais à croire. Même si j’avais des passions différentes des autres enfants, que j’aimais la lecture, la peinture et la réflexion contrairement aux jeux de ballon, j’aurais aimé rien qu’une fois pouvoir y participer pour connaitre le sentiment d’être entourée. Je n’ai jamais eu un cercle social étendu et dynamique, qui puisse m’aider à surmonter les épreuves de la vie, autant que partager les instants de bonheur. Et cela me manquait énormément. J’en souriais, mais au fond de moi cela me rongeait. Je n’avais que mes parents. Le soir, j’attendais le retour de mon père, qui revenait un peu plus tôt qu’auparavant. Il regroupait toutes les peluches éparpillées autour de mon lit et en faisait des marionnettes. Une dans chaque main, il bougeait leur tête, leurs bras, leur corps dans toutes les positions suivant ce que la voix de mon père voulait me dire. Nous inventions des histoires incongrues. Certaines peluches était grincheuses, et je devais les consoler pour qu’elles acceptent de dormir à mes côtés. D’autres, plus joyeuses me chatouillaient jusqu’à ce que je n’en puisse plus. J’avais l’impression que ces peluches étaient mes amies et que je pouvais enfin partager des moments avec elles. J’étais consciente que ce n’était pas de vrais amis, que c’était les mains de mon père qui les faisait gesticuler. Et que finalement, ce n’était que le fruit de mon imagination. Mais ces marionnettes, je les attendais impatiemment chaque soir. Elles m’ont aidé à combler ce manque que je ressentais à l’école.
©Elly Clark