« Les ours en peluche sont les compagnons chaleureux de l’enfance : ils nous écoutent, ne nous critiquent jamais, mais nous rassurent toujours. Ce sont de vraies couvertures de survie en forme d’ours, faciles à serrer dans ses bras, et parfaitement adaptés à notre taille. » -Peggy et Alan Bialosky
A six-sept mois, je commençais à manifester plusieurs émotions. Je développais peu à peu de nombreuses qualités comme la sympathie, l’empathie et la résilience ainsi que la capacité à affronter la vie. Je recherchais l’attention et j’en venais même à la provoquer. Il n’y avait pas un seul instant où je m’arrêtais de babiller et de gesticuler dans tous les sens. Mes parents connaissaient le silence seulement lorsque je rejoignais les bras de Morphée. Confortablement allongée dans les bras de ma mère, mes paupières se fermaient doucement. Je me sentais apaisée, et y trouvait confiance et sécurité. Comme une gardienne, ma mère protégeait mes nuits. Dans mon sommeil, je rêvais de fées, de magie et d’un monde merveilleux. Je ne connaissais pas encore les cauchemars et les monstres imaginaires qui hantent plus tard les nuits des enfants. Et auprès de moi se trouvait un petit ours en peluche. Doux et rassurant, je m’agrippais à sa fourrure. Parfois, je laissais la peluche tomber quand mes muscles s’assouplissaient. Ma mère était là pour la rattraper et la blottir contre mon cœur. L’ours est devenu mon « doudou » quelques années plus tard, mais il a bien fallu le changer. Abîmé par les machouillements de mes premières dents, il avait perdu un œil, et sa douce toison n’était plus qu’un lointain souvenir. Il est toujours difficile de se séparer d’un objet avec lequel on grandit, et mes pleurs montraient à quel point le changement d’ours en peluche était important pour moi. Cette peluche comblait aussi le manque d’une figure paternelle. Je lui inventais une personnalité particulière, que je pensais être celle de mon père. Mon père était un père absent, jusqu’à ma dixième année. Il passait son temps au bureau y compris le dimanche, seul jour où la famille pouvait être réunie. Son travail passait avant moi. Avait-il une bonne raison? Je ne saurais le dire. Certains soirs, je l’attendais pour aller me coucher, en espérant qu’il vienne avant que la fatigue ne m’entraîne. Lorsque j’entendais la porte s’ouvrir, je criais son nom afin qu’il vienne me lire une histoire et que je passe un peu de temps avec lui, si rare était-il à ce moment. Je lui consacrais toute mon attention. Je m’efforçais de ne pas rater une seconde de la présence de mon père. Il m’arrivait de le contempler et au fond de moi, je me disais cette phrase : « puisque je suis une princesse, je trouverai un prince mais mon père sera toujours le roi, et je l’aimerai jusqu’à la fin de ma vie. » Changer d’ours en peluche revenait à perdre mon père, celui que je me suis créée dès ma naissance. Mais l’ancienne peluche avait laissé sa place à une nouvelle, plus douce, plus colorée. Mes larmes ont cessé. J’espérais tout au fond de moi que ce soit aussi le cas pour mon père.
©Elly Clark
Commentaire sur “L’OURS EN PELUCHE”
Je sais pas quoi dire tellement tu sais bien utiliser les mots. C’est rare quand les gens arrivent à me tirer des larmes de bonheur juste avec des mots. C’est tendre, ça m’a rappelé de beaux souvenirs. Continue, surtout ne t’arrête pas !