LA VENUE AU MONDE

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« Un des plus beaux jours de la vie, et peut-être le plus beau de toute notre existence, est celui où la naissance d’un enfant ouvre notre âme à des émotions qu’elle ignorait encore hier. » – Joseph Droz

Ma mère caressait son ventre rond de gestes tendres. Essayant de deviner quelle partie de mon corps appuyait contre sa peau, elle commençait à regretter ces mois merveilleux où porter la vie devint la seule cause qui la réveillait le matin. Elle se dévouerait corps et âme pour me donner une vie agréable, je le sentais. Tout son amour et ses espoirs m’étaient voués. Et le jour est arrivé. Le 15 février 1993, par une après-midi ensoleillée, j’allais, aujourd’hui, pointer le bout de mon nez hors de ma cachette. Au fil des heures, les contractions se sont rapprochées, la douleur devenait presque insoutenable. Ma mère devait absolument se rendre à la clinique Isis que son gynécologue lui avait indiquée. Tout devait bien se passer, la déesse égyptienne nous surveillait. Ma mère a refusé la péridurale. Elle voulait vivre toutes les sensations de ce premier accouchement qui était aussi le dernier. Elle grondait toutes les personnes qui l’entouraient. Pas question d’abandonner maintenant. Elle s’efforçait de reproduire les exercices de respirations qu’on lui avait appris. J’inspire, j’expire. Mon corps tout entier se dirigeait vers une sortie imminente. Et il y avait cette femme, vêtue d’une blouse blanche, qui me tirait des entrailles de ma mère. Je ne comprenais pas pourquoi mais elle s’acharnait à m’arracher de mon petit espace douillet. Je naquis la tête la première, le reste de mon corps suivit. Des milliards d’aiguilles me transperçaient les poumons, l’air s’y engouffrant les écartait d’une force telle que mes cris et mes pleurs se bruissaient dans toute la pièce. La lumière me piquait les yeux, j’ai du clore les paupières. Le contact de l’air, si froid par rapport à la douce chaleur de l’intérieur, me faisait frissonner. Me voilà, complètement démunie et fébrile. Je suis née un peu trop tôt, prématurée comme on dit. Sans prendre le temps de me montrer à ma mère, une personne venue de nulle part m’emmena de suite dans une « couveuse ». Il y faisait une chaleur et une humidité constante. J’étais de nouveau protégée de toutes les agressions du monde extérieur. Je me retrouvais comme dans le ventre de ma mère, aussi en sécurité, dans une petite bulle. Mon père, qui patientait sagement dans la salle d’attente, a pu enfin découvrir mon visage, à travers cette vitre de plastique. Il était là, émerveillée et stupéfait par ce petit être si petit, si léger, si fragile, mais si vivant. Il passait sa main par le hublot et effleurait ma peau du bout des doigts. Il attendait de pouvoir enfin me serrer dans ses bras et me déposer un baiser sur le front comme font les pères. Je ne suis restée dans l’incubateur artificiel que quelques heures. A mon retour dans la chambre, une sage-femme me déposa dans les bras de ma mère, si heureuse et si fière d’avoir mis au monde une petite fille. Ainsi, ma naissance se fit.

©Elly Clark

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